Sarah Trichet-Allaire
La semaine s'annonce tranquille. Il n'y a que deux woofers cette semaine, je comprends que des artistes vont passer mais seulement pour une journée. Antho arrive jeudi avec sa nièce, et en habitué du lieu, il sera facile de nous concentrer sur des tâches qui traînent ou la préparation du lieu en prévision des grosses arrivées estivales et automnales.
Au petit déjeuner, la porte s'ouvre sur des inconnu·es et nous nous retrouvons tous et toutes aussi surprises les un⋅es que les autres.
« oh pardon, nous ne savions pas que c'était une vraie cuisine ! »
J'ai mon bol de Maté, les filles mangent leurs céréales, et Dom est un peu interpellé.
« On a vu que c'était ouvert, c'est le bon moment ? Il y a un panneau Open, devant. »
Forcément, quand les personnes ne connaissent pas l'association, Open, ça peut être ambigüe. Surtout quand Ouest-France fait un article quelques jours avant, pour dire que le château appartient à la municipalité.
J'aimerais leur dire de s’asseoir, de prendre le temps pour discuter, mais Dom est sur le point de partir, le planning de Marina est bien chargé également. Puis une histoire arrive, une de ces histoires qui est restée bien trop longtemps hors des murs du château, qui veut être racontée ici, se faire une place parmi toutes les autres histoires qui font ce lieu.
Elle avait 8 ans, c'était le printemps, et voulait cueillir un bouquet de jonquille. Mais où en trouver ? C'est son amie qui lui dit « Viens avec moi, je sais où il y en a de magnifiques, et il y en a assez pour en faire un bouquet et en laisser pour les papillons. »
Les voilà qui passent la porte de Kerminy, et dans le champs à l'entrée alors même que le château est encore hors de vue, sous leurs yeux s'étalent les jonquilles chauffées par le soleil. Elles en cueillent des brassées, agencent leurs bouquets, quand elles entendent au loin des aboiements. Le temps de se relever, elles voient accourir deux molosses suivis d'un homme. Ce sont des chiens de chasse, des bêtes que leur maître n'hésite pas à envoyer pour tuer le gibier, ou le petit chien du métayer voisin.
Sans réfléchir, elles lâchent tout et courent, courent jusqu'au talus le plus proche sans se retourner, à perdre haleine, et sautent par-dessus pour échapper aux gueules effrayantes et aux crocs menaçants.
Elle déborde, cette histoire qu'elle a en tête depuis ses 8 ans. Depuis plus de cinquante ans peut-être elle l'habite, elle la hante, elle la fait traverser la route quand elle repasse devant le talus.
Elle est maintenant partagée, puisse-t-elle ne plus effrayer ses pensées.
L'an dernier, un regard a été mis à jour dans le jardin. Un de ces trous qui servaient à recueillir l'eau qui coule depuis les toits, pour éviter qu'elle remonte par les murs, ajoutant encore à l'humidité ambiante, si pénible à chasser, présente dans chaque pierre l'hiver, et que l'on sèche en ouvrant grand les fenêtres l'été.
Nous ne savons pas combien il y en a, où ils sont. Et toute cette eau, nous aurions bien aimé la récupérer pour faire de l'arrosage aux jours secs.
Un projet chasse l'autre, et fatigués d'avoir des petits trous partout dans le jardin, il a finalement été rebouché cette année.
Mais l'herbe, elle, est différente. Quelques graines enfouies qui sont remontées ? L'aération de la terre ? Le mystère reste entier, saurons-nous jamais la raison ?
De petites tâches parsèment le château, il y en a tant. Ce matin, avec Violette, nous avons graissé le moulin à café.
Et si nous faisions des notes dans chaque pièce pour dire les petites choses à faire ?
Un tour à la médiathèque pour chercher des mangas et des romans.
Et ça finit avec : 3 pains, 2 gâteaux, 1 livre, 1 lettre postée, 1 paire de lacet recherchée mais pas trouvée.
J'aime traîner dans les centre-villes. J'ai trop fréquenté les commerçants qui veulent y faire venir la population. Alors qu'eux-mêmes font leurs courses au supermarché.
Des visiteurs visiteuses de Bannalec, futurs voisins avec un projet d'habitat partagé dans un château ou une grande propriété. Ils sont invités à cueillir dans le jardin, mais ni Dom ni Marina ne sont là. Alors on discute, on se balade, on attend.
Et, ô joie, on découvre qu'elles ont une fille du même âge que Violette. Croisons les doigts pour qu'elles s'entendent.
Ce jour de fête national est dédié aux rencontres. Nous accompagnons Violette à Bannalec en début d'après-midi pour qu'elle joue avec Elsa, nous commençons à faire un tour, même si nous avions prévu de le faire avec Marina et Dom en allant la chercher en fin de journée.
Finalement, nous ne restons qu'une heure, d'autres personnes arrivent sur le site, Aurélie doit aller voir la propriétaire des cheveux - des poneys en fait. Nous avons hérité de deux moutons, et eux devront prendre en charge trois poneys. Forcément, c'est plus facile de prendre soin d'animaux dans une grande demeure que dans un appartement.
Les deux heures que nous avons à nous passent vite. J'entame la lecture de Gen d'Hiroshima. Quelle claque. Ce manga est pour l'Asie ce que Maus de Spiegelman est pour l'Europe : un témoignage coup de poing, une claque, des yeux grands ouverts sur une réalité qui nous dérange.
Quand nous partons rechercher Violette, décalés comme nous sommes, nous arrivons au moment du fromage, ce qui nous permet de nous incruster, manger un peu ensemble, faire un peu plus connaissance. On s'apprivoise, dirait le petit prince. Ou la rose ?
Journée lessive pour moi aujourd'hui. J'essaye de soulager un peu Marina. 3 lessives pour les draps housses et les housses de couette. Seulement les 1 place. Je peux juste mettre en plus 4 culottes et 2 taies d'oreiller. La dernière fournée n'a pas le temps de sécher avant l'humidité du soir.
Le matin, je suis passée à la médiathèque prendre la suite de Gen et je lis deux tomes dans l'après-midi.
Marché le matin par Marina et Inès, peut-être Audrey ? En tout cas, je reviens avant elles qui sont en voiture alors que je suis à vélo, que j'ai dû demander à Robin - en service civique sur la réparation de la flotte de vélo - de m'aider à baisser la selle et que mon sac soit tombé sur la route.
Deux conclusions : le vélo est super rapide, et les dames de Rosporden sont vraiment sympas.
Klean party le matin. Évidemment, la seule journée où je me réveille après 11h. On est pas mal à s'y coller, donc on fait pas mal de trucs. Violette a participé en faisant les vitres avec Anaëlle, la nièce d'Anthony, qui sont arrivés la veille au soir.
L'après-midi c'est plage. Eau super froide mais si belle. Un petit plongeon, et je lis d'une traite le dernier Edouard Louis que j'ai pris à la Médiathèque la veille.
Quand on revient, vers 19h, Jeff travaille encore sur l'électricité. Il y est depuis le début de la semaine : sécuriser des prises, installer des interrupteurs, électrifier le bar à l'extérieur… Et ce n'est pas fini !
C'est l'anniversaire de Jeff aujourd'hui. On part faire des courses avec JF et Marina. Lui veut gâter tout le monde et moi acheter du chocolat et du beurre pour un gâteau et des tartes en prévision du repas du soir.
On revient pour le repas de midi : bar à la croûte de sel et riz/courgettes. On a une belle tablée, avec JF et Marijo arrivé·es la veille au soir.
L'après-midi aux fourneaux avec Violette, Anaëlle et Elsa qui passe la journée ici. Nous faisons le gâteau au chocolat, des sablés, des cookies avec Anthony, puis les tartes aux légumes et la quiche lorraine.
Le repas du soir est festif, JF offre de manière intéressée une bouteille de whisky à Jeff, et nous passons un bon moment. Aurélie et Stefen arrivent à 21h. On est sensé avoir mangé, mais on se met tout juste à table. Deux assiettes de plus ne changent pas grand chose.
Déjà le dernier jour pour nous. Après le petit déjeuner, je remplis ce journal - je n'ai eu réellement le temps d'écrire que mercredi - pendant que Jeff commence à préparer les valises. Violette doit jouer quelque part avec Anaëlle, et peut-être Iris. Elles ont formé une sacré bande, et ça me réjouit de la voir passer de bons moments ici.
La veille au soir, on a discuté avec Aurélie et Pyc] (ou ce site là ? [[https://penser-concevoir.gitlab.io/|Penser concevoir sur la richesse du réseau et des personnes qui s'installent dans le coin. On sent que ça bouillonne par ici, et encore plus dans le domande de la sobriété numérique.
J'ai hâte de venir m'installer dans le coin.
Départ repoussé d'un jour pour cause de pluie, arrivée non mouillée, objectif atteint.
Premier soir : installation dans la caravane, recherche de draps, duvets, matelats - dans le désordre.
Puis faire un tour pour rencontrer les différent.es résident.es : ceux et celles qu'on connaît, qu'on revoit avec plaisir, qu'on a déjà vu un ou deux fois, ou dans d'autres contextes. Celles et ceux qui repartent dès le lendemain ou qui restent trois semaines. On sait qu'il faut soit en profiter tout de suite, soit que le temps donneront d'autres occasions pour se rencontrer, se connaître.
La pluie est revenue. Depuis la caravane, nous ouvrons la fenêtre pour regarder écouter la pluie tout en restant sous le duvet. Plaisir de vacances.
Mais elle ne s'arrête pas, et il faut bien sortir, ne serait-ce que pour les besoins primaires - il semblerait que récupérer le chargeur de la console en fasse partie.
Première étape : s'installer dans le lab. Première sous-étape : installer le wifi Première sous-sous-étape : trouver un câble d'alimentation pour brancher la box Deuxième sous-sous-étape : trouver un câble ethernet pour brancher les ordis Troisième sous-sous-étape : trouver un switch Quatrième sous-sous-étape : relier le switch à la box d'un côté et aux ordis de l'autre. Cinquième sous-sous-étape : configurer la box
Le plaisir des box de récup. 3 testées, aucune qui ne marche comme il faut, même celle qui marchait la dernière fois.
Je laisse Jeff s'arracher les cheveux qu'il a longs, blancs et soyeux et retourne au bureau du château me brancher sur internet pour une démarche administrative déplaisante et urgente - pléonasme.
Repas de midi décalé, nous devons faire des courses pour ce séjour à venir, ce qui nous prendra l'après-midi.
Dommage que les produits de saison du supermarché proposent plus de tongs que de cirés, cela nous aurait servi.
18h : Ker care. Moment de parole pour se dire ce qu'on a sur le cœur. Mais pas aujourd'hui, pourtant nous étions à l'heure. Non pas que j'avais des choses à dire, mais curieuse de me rendre compte de ce qui se dit et des émotions qui circulent.
Alors on rebranche les ordis, la console, le temps maussade s'y prête. L'occasion de mettre en forme les textes et témoignages.
Jusqu'au repas. Une journée pas très remplie. Mais ce sont les vacances.
Klean party le matin, réunion de l'asso ope(n) à 14h, repas persan le soir avec poésie et dress code.
Mais pour nous, petite excursion pour aller à la rencontre d'ami.es en voyage dans les environs.
Encore une journée pluvieuse. Personnellement, je la passe sur un écran à travailler et ne vois pas ce qui se passe autour.
Le soir, concert performance de Claire et Julien